via Newsletter VUCA-STRATEGY n°47
Le magazine LSA vient de publier son Top 100 des principales enseignes du commerce en France en 2017. Au-delà des chiffres d’affaires c’est leurs évolutions qui caractérisent les e-commerçants : +18% pour Amazon, +14% pour C-discount. Dans la distribution traditionnelle seul Biocoop réussit à faire aussi bien avec 14,78% tandis que Hyper U est à -2,78%.
Mais pour nos gouvernants cette inégalité, forcément injuste au sein d’une « Start Up Nation », ne peut durer.
Sentant le fumet d’une belle occasion fiscale, nos sénateurs ont voté le 20 juin une taxe sur les livraison e-commerce… en invoquant un motif écologique totalement aberrant. De son côté Bercy planche sur « l’équité fiscale entre e-commerce et magasins traditionnels ». Il n’y a rien de pire qu’une oie qui ne soit pas plumée.
Mais, à mon sens, ce n’est pas cela le plus inquiétant.
Ce qui me cause le plus de souci c’est ce que j’ai commencé à dénoncer dans ma newsletter du mois de mai lors de la mise en application d’un texte vague et abscon sur le RGPD, sans que l’ensemble des documents applicatifs soient publiés avant le 25 mai (ils ne le sont d’ailleurs toujours pas tous).
La présidente de la CNIL et ancienne présidente du G 29 ayant commis ce texte, Isabelle Falque-Pierrotin, se permettait de dire « … le G29 n’avait aucune obligation de sortir des guidelines… Les entreprises peuvent déjà se féliciter de les avoir » tandis que ses services assuraient une « bienveillante mansuétude » envers les TPE, PME et ETI n’appliquant pas totalement les directives.
Il en est de même quant à l’application de la loi anti-fraude à la TVA, qui met de facto 83% des sites de e-commerce hors la loi depuis le 1er janvier de cette année : pratiquement tous ceux qui sont basés sur de l’Open Source. Le cabinet de Gérald Darmanin « invitant l’administration fiscale à faire preuve de bienveillance » d’ici la fin de l’année (que va-t-il se passer le 31 décembre ?).
Dans les deux cas, le politique et l’administration savent qu’un texte de loi n’est pas directement applicable. Mais, au lieu de travailler à mettre en place les dispositifs concrets de son application ils préfèrent rassurer l’assujetti, mis délibérément dans l’illégalité, en invoquant bienveillance, compréhension et tolérance administrative.
Dans les faits, les entrepreneurs, et tout particulièrement les e-commerçants de petite et de moyenne taille, se retrouvent totalement dépendants de décisions discrétionnaires résultant de la bonne ou mauvaise volonté des agents du fisc ou de la CNIL.
Nous nous retrouvons alors dans la perpétuation d’une vieille tradition absolutiste de la « justice retenue », c’est-à-dire le choix qui était laissé au roi de soustraire certaines affaires aux tribunaux ordinaires afin de protéger de la loi les amis du pouvoir, ou de priver de sa protection ses ennemis. Une pratique qui nous ramène à l’Ancien Régime.
Une « Start-Up Nation » est-elle envisageable en dehors d’un Etat de droit ?
Inoxydablement vôtre,
Jean-Paul CRENN